Rodin parmi les Antiques, éloge du fragment
Le visiteur est immédiatement mis dans l’ambiance, accueilli par des mosaïques aux gazelles bondissantes (\*).
Auguste Rodin était un féru, un passionné, un amasseur d’Antiques : il chérissait sa collection de 6000 pièces de pieds, têtes, torses, mains, bras, jambes, quelques céramiques aussi, tous des antiques venus de Grèce ou d’Italie. il aimait que ces propres créations soient entourées par ces pièces afin d’en révéler le lignage à travers les siècles.

L’exposition se propose de montrer que la carrière de Rodin navigue entre des rives antiques personnalisées par Phidias et des rivages renaissants avec Michel-Ange. Mais il reproche à ce dernier son côté chrétien, à savoir son mépris de la vie, l’éloge de la souffrance. Pour la défense du maître Florentin, on objectera qu’il fallait bien vivre et que les commandes de l’époque étaient surtout commandités par des religieux. Quoiqu’il en soit Rodin livre plutôt des apologies de la vie, recherche la sérénité, il dit d’ailleurs “les artistes anciens n’ont été grands que (sic) parce qu’ils adoraient l’existence terrestre et qu’ils ont éperdument exprimé leur joie de vivre”.
Ses fragments, à quelques rares exceptions, ne sont pas voués à être travaillés, réparés ou complétés mais destinés à l’admiration.
Il aime par-dessus tout les corps, des femmes comme des hommes, témoin son fragment d’Héraclès au repos qu’il oppose au Hercule Farnèse comme un homme bien proportionné, souple, vigoureux qui ne se fait pas admirer malgré ses prouesses.
L’âge d’airain / Esclave mourant

Femme accroupie par Rodin / Vénus accroupie :

Torse de jeune femme cambrée :

Aphrodite, esquissant un pas de danse :

Les “fleurs dans un vase”, plus anecdotiques, sont un ensemble de pièces associant un moulage/sculpture de Rodin et des céramiques plus ou moins anciennes.


J’avoue avoir été particulièrement fasciné par la sensualité et la force d’un “Triton et néréide” en plâtre dont il m’est malheureusement impossible de trouver une reproduction sur Internet (comme quoi, ça ne sert vraiment à rien Internet).
Des dessins et feuilles de croquis sont aussi présentés avec, dans un joyeux désordre, des reproductions de frise antique voisinant avec des statues-colonnes de la cathédrale des Chartres.

L’exposition se termine par les portraits. Rodin a été émerveillé du caractère antique du portrait de Mrs Russel et l’a décliné.

La visite est assez courte (45 minutes) mais vous gagnerez à la prolonger dans le jardin et le musée. A ce propos, ce dernier est en réfection et seules certaines salles sont accessibles. J’espère que les travaux sauront lui conservés son charme un peu désuet, avec ses miroirs ternis, ses murs lézardés, ses lambris vieillis qui forment un écrin précieux aux pièces de Claudel et Rodin. Fin de mon plaidoyer pour les planchers qui grincent.
Site officiel : <http://www.musee-rodin.fr/fr/exposition/exposition/rodin-la-lumiere-de-lantique>
Tarif : 9 euros
Pour aller plus loin avec Rodin, au propre comme au figuré, on peut aussi pousser jusqu’à Meudon et la villa des Brillants : <http://www.musee-rodin.fr/fr/le-musee/le-musee-rodin-meudon>
(*) : et aussi, plus prosaïque, une interdiction de faire des photographies, car c’est bien connu le marbre, matériau très superstitieux, craint d’y perdre son âme. Les illustrations de l’article sont donc réalisés dans les jardins ou le musée proprement dit. Je veux bien qu’on cherche à vendre le catalogue –qui semble au demeurant fort beau- mais il est onéreux (45 euros, en temps de crise quand même) et je ne pense pas que quelques instantanés pris par nous autres amateurs puissent y opposer une quelconque concurrence.


