Litho or not litho thas is the question : Delacroix & Shakespeare
Eugène Delacroix, anglophile et romantique, ne pouvait difficilement que passer à côté du poète de Stratford-Upon-Avon.

Ces séjours en Albion et son goût pour le théâtre lui ont bien vite donné l’idée de transcrire en dessin l’œuvre de Shakespeare. Il sera en particulier fasciné par Hamlet, même s’il travaillera aussi sur Roméo et Juliette et MacBeth. Pour l’exposition qui nous intéresse, il choisit un médium, innovant pour l’époque car permettant aisément la reproduction de l’original : la lithographie.
Le principe est simple (encore fallait-il le trouver…) :
1- L’artiste dessine sur une pierre calcaire rendue tout à fait lisse avec un crayon noir et gras (très important le gras). Pas de gomme, pas le droit à l’erreur.

2- Par un procédé qui m’échappe, on enlève le carbone du trait (le noir du crayon) pour ne laisser subsister que le gras (et le gras c’est jaune, oui bon…).|

3- La pierre est ensuite généreusement humidifiée à l’éponge et comme l’eau n’aime pas le gras, les parties dessinées restent sèches.

4 – On prend ensuite un gros rouleau à pâtisserie préalablement encré. Comme l’encre est grasse (décidément ce n’est pas une cuisine légère), elle est aussi hydrophobe, elle ne va donc se déposer que sur les parties dessinées. L’image positive apparaît donc.|

5- Il n’y a plus qu’à mettre la feuille à imprimer, presser et c’est prêt.

6 – Bien sûr, le tirage est en miroir de l’original.

Delacroix dessinant un tout petit mieux que votre serviteur, le résultat est plus fin et nuancé :


Hamlet

Jane Shore
Fin du TP “les mains pleines de gras et d’encre”. Delacroix a donc réalisé 16 lithographies reprenant les moments les plus dramatiques jalonnant Hamlet, ainsi que d’autres pour Othello, Jane Shore (pièce de Nicholas Rowe).
Elles n’ont pas rencontré un grand succès à l’époque de leur réalisation et n’ont été tirés qu’à 200 exemplaires. Les pierres lithographiques, sciées dans le sens de la profondeur pour empêcher toute future reproduction, sont conservées par le Musée Delacroix et exposées ici en même temps que les tirages. Les originaux sont bien sûr plus contrastés que le tirage et aussi un peu plus “durs” mais présentent un bel effet de matière. Même si toutes sont admirablement construites – ou plutôt, vu le contexte, mises en scène – quelques pièces sortent clairement du lot, comme la Mort d’Ophélie, MacBeth et les sorcières…

Voilà donc une petite exposition pour découvrir une facette discrète et modeste du peintre (qui n’a donc pas que représentée des femmes à demi-nues, exhibant outrageusement des morceaux de chair à des émeutiers déchainés), l’occasion aussi de découvrir, si vous ne connaissez pas encore, ce musée niché, dissimulé, prés de Saint-Germain.
Tarif : 7,5 euros
Dates : jusqu’au 31 août 2014
Durée : 30-45 minutes
Site officiel : http://www.musee-delacroix.fr/fr/les-activites/expositions/expositioneugene-delacroix-le-plus-legitime-des-fils-de-shakespeare26-mars-au-31-aout-2014