Moi Auguste, modeste maître du monde au Grand Palais
Il y a juste 2000 ans nous quittait Octave aka Auguste mais comme il n’a pas eu le bon goût de faire le malin sur une croix, personne n’a pensé à faire une petite fête.
Injustice flagrante que va tenter de réparer le Grand Palais. On prend un peu peur avec une première salle un peu embrouillée avec une chronologie, deux statues, plein de textes et un mur testament. Tout ça vous arrive en pleine face sans que vous n’ayez rien demandé, un peu dur. Heureusement cela va vite se calmer et adopter une approche très pédagogique avec des salles aux thématiques bien distinctes.
On commence donc par le second Triumvirat, manifestation de la convergence temporaire des intérêts d’Octave, Marc Antoine et Lépide, opposé aux assassins de Jules le grand carabistouilleur. Comme ces trois là ont des caractères d’ours, les querelles arrivent vite et aboutissent à la bataille d’Actium qui voit Octave prendre le dessus sur Marc Antoine (le 3ème a déjà disparu dans les limbes de l’Histoire).

Le suicide de Marc Antoine consommé, Octave devient le seul chef, mais pour que cela ne se voit pas trop, il se nomme “princeps”. Comme il éprouve quelques remords, il se fait élire “Auguste” habituellement plutôt réservé aux dieux mais ceux-ci se sont abstenus.
A partir de là, Auguste va prendre son image en main et se lancer dans une grande opération de communication/propagande. La statuaire officielle va permettre de relayer son image, au travers d’une iconographie assez subtile (et basée sur les mèches), mais aussi montrer sa volonté dynastique en donnant un corps dans le marbre à tous les membres la petite famille.
Effigie type “prima porta” :

Effigie type “La Alcudia” :

Effigie type “Forbes” :


Le culte est relayé dans les classes moyennes et représente un moyen comme un autre de prendre l’ascenseur social, tandis que la frappe de la monnaie permet de mettre du symbolisme augustinien partout.

S’il est obsédé par son self-marketing et qu’il encourage les initiatives publiques et privées visées à célébrer sa gloire, il n’a pas une volonté palatiale des grandeurs et se contente d’une sobre maison sur le Palatin avec, quand même, un temple pour son divin protecteur Apollon.
Il fait réaliser un Autel de la Paix (Aras Paci) en marbre –évidemment-, sur le champ de Mars. Une très chouette reconstitution 3D de la chose permet d’en entrevoir le rendu polychromique.

Son règne correspond à une période pacifique (taper sur les barbares ne compte pas) avec un souhait de stabiliser l’Empire plutôt que de l’étendre. Il faut dire que les quelques essais d’expansion en Germanie se soldent par le massacre de trois légions, forcément ça refroidit.
Qui dit période de paix, dit développement artistique avec des artistes grecs qui viennent s’installer à Rome, auprès de leurs clients et commanditaires. L’exposition donne à voir beaucoup d’objets domestiques.
Une table pliante en bronze :

Du verre mosaïqué :

Chez les romains “aller se faire voir chez les grecs” n’avait rien de péjoratif, au contraire ! Cependant ils pouvait toujours se faire cuire un œuf d’où l’importance des coquetiers (supposé) :

Tête de Priape, figure dionysiaque dans un style archaïsant :

La Vénus d’Arles, restaurée par Girardon qui a remplacé épée et fourreau par une pomme et un miroir, c’est beaucoup moins stylé :

Auguste s’éteint à 75 ans, le pouvoir ça conserve, et comme il était du genre prévoyant, tout a été prévu, orchestré, pour en faire une triomphe. Résultat, 1 mois après il est élu Dieu (ce qui est quand même la classe). Ultime victoire (en plus d’avoir une place sur mon blog), personne ne s’oppose à ses directives de succession : Tibère prend la suite.
Très belle exposition, dense, peut être un tout petit peu longue (méfiez-vous il y a 2 niveaux), qui mérite le déplacement. Le plus marquant n’est peut être pas la sculpture monumentale mais la mise en œuvre, si moderne, de la communication. Les objets du quotidien ne sont pas en reste et permettent à l'exposition de proposer un panel varié et cohérent qui montre bien l’âge d’or qu’a connu Rome sous Auguste. Après cela, on se demande qui de nos contemporains aura le droit en 4014 à une exposition pour le bimillénaire de sa mort !

Tarif : 13 euros
Durée : 1 h 30 / 2 h
Site officiel : <http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/moi-auguste-empereur-de-rome>